[Gérard Nandron, cuisinier lyonnais]

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localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0759 FIGRPTP2734 02
technique 1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 20 x 15 cm (épr.)
description Gérard Nandron, fils de Joannès (1909-1963), chef du restaurant éponyme. Adresse de prise de vue : Restaurant Nandron, 26, quai Jean-Moulin, Lyon 2e.
historique Le guide Michelin version 1988 est sévère. A Lyon, il a maintenu les valeurs les plus sûres, genre Bocuse, mais détrôné les maisons Gervais et Nandron. Une leçon pour les cuisiniers lyonnais, qui ont tendance à vivre de leur bonne réputation. Seule consolation pour la capitale de la gastronomie : "Le Passage" fait son entrée dans le livre, et le seul promu trois étoiles de l'année, Bernard Pacaud à Paris, a fait ses classes chez la mère Brazier. En 1988, le guide Michelin fait donc beaucoup de malheureux. A la différence de ses rivaux qui ont fait pleuvoir les récompenses, le plus célèbre des guides gastronomiques a opté pour la sévérité et a jugé durement ses cuisiniers. En diminuant nettement le nombre des établissements qu'il juge dignes de recevoir une, deux ou trois étoiles. Ainsi, il n'y a plus que 635 tables étoilées dans l'édition 1988, contre 656 l'année précédente. Lyon en a fait les frais, une partie de ses cuisines est en deuil. Plus grosse déception : la rétrogradation de Nandron, il passe de deux à une étoile. Une surprise. Mais l'établissement commence à être habitué aux changements de Michelin. C'est la troisième fois qu'on lui retire ou qu'on lui remet une deuxième étoile. N'empêche que, quai Jean-Moulin, on est déçu. Principal grief contre le tout puissant guide de la gastronomie française : la non-information. Les habitudes du guide Michelin, sont spéciales. On ne prévient pas, on n'avertit pas, on ne justifie pas. C'est pourtant "ce qui éviterait les dérapages. Sans information, on a vite tendance à se croire trop bon ou trop fort, à se reposer". Bref, Bernard Nandron ne sait ni pourquoi ni comment il a été jugé moins apte qu'en 1987 à défendre les couleurs de la haute cuisine française. Car côté fourneaux, "rien n'a changé". "Les structures sont les mêmes, les plats et les spécialités sont conçus sur le même moule". Alors forcément, on est un peu amer. Et même "si la santé c'est plus important", même si Nandron "ne va pas se suicider pour cela", l'heure est à la tristesse. Il s'agit désormais de "rectifier le tir pour l'année prochaine". Une sorte de remise en question. La compétition "est stimulante". Deuxième surprise : Gervais, dans le sixième arrondissement, qui perd sa seule étoile. Là non plus, le patron "ne s'en doutait pas". Là non plus, apparemment, "rien n'a changé depuis l'année dernière". Le meilleur saucier de Lyon n'a pas eu l'impression de s'être laissé aller. Il est déçu, car il "se sent responsable". Le Michelin doit bien avoir raison, puisqu'on le dit, puisqu'on le croit. C'est donc que le bât a blessé quelque part. Et qu'une erreur s'est subrepticement glissée dans une sauce. Pour le patron, le guide est toujours très sévère pour la place lyonnaise. C'est que la capitale de la gastronomie a une réputation à défendre. Elle est la ville la plus étoilée de France, et "c'est à elle de faire attention. Elle est prise pour cible par les goûteurs de Michelin, et n'a pas droit à l'erreur". De temps en temps, "Michelin fait le ménage". Comme cette année. La pilule est dure à avaler pour un restaurant qui gardait jalousement son petit insigne étoilé depuis maintenant douze ans. Question de réputation et d'amour propre. Car au niveau de la fréquentation, pas de problèmes, "les Lyonnais sont fidèles". A la limite, pas besoin de leur offrir le guide, leur palais est suffisamment fin et raffiné pour choisir tout seul. Pour récupérer son étoile, Gervais va s'occuper personnellement de ses sauces. Mais la cuisine restera ce qu'elle est, classique et traditionnelle. Il s'agit seulement de remédier au "laisser-aller". Consolation : la Maison vient de gagner une toque supplémentaire chez Gault et Millau. Et la morale : "en cuisine plus qu'ailleurs, il faut être stable". Le Michelin n'a heureusement pas sanctionné tout le monde. Et Lyon défend sa réputation. Parmi les quarante-et-un promus du cru, une étoile 1988 : le restaurant "Le Passage". Une consécration pour le patron, Ancel, qui voit ainsi la qualité de sa cuisine reconnue en haut lieu [...]. Source : "Les toqués lyonnais renvoyés à leurs fourneaux" / Isabelle Lasserre in Lyon Figaro, 10 mars 1988, p.48.

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